Maîtrise technique & créativité artistique

E-artsup Concept artist et illustrateur

Guillaume Beauchêne

Cofondateur de “Marble Oak”

Guillaume est concept artist et illustrateur pour le milieu du jeu vidéo et du cinéma, et est intervenu, entre autres, sur “Watch Dogs : Legion” (Ubisoft), “Hearthstone” (Blizzard), “Blood Machine” (Seth Ickerman)… Il est également cofondateur de “Marble Oak”, studio de jeu vidéo indépendant, développant actuellement “Dunst : The Manuscript of Dawn”.Pour finir il est aussi intervenant à e-artsup Institut. Vous pouvez retrouver son travail sur Instagram (@gimo_chen) ainsi que sur Artstation : https://www.artstation.com/gimo

Témoignage

Concept Artist est un terme large. Quel est son rôle exact ?

Les concept artists (ou nomination plus récemment employée, Visual développeur) sont chargés de concevoir l’identité visuelle et graphique des jeux/films qui sont produits dans les studios, et ce pour leur correspondre, ainsi qu’à la vision artistique qui a été choisie dans le cadre de chaque projet. Il y a une véritable sensation de richesse à travers le fait de concevoir. Savoir transformer la logique en émotion est enrichissant ! Les concept artists s’imprègnent de l’univers qui prend ensuite vie sur écran en tant que jeu/film et le mettent en forme concrètement en utilisant les outils logiciels mis à leur disposition, en collaboration étroite avec les game designers et les développeurs/ scénaristes, réalisateurs. Ils travaillent sur l’environnement, les personnages, les objets, les couleurs, l’éclairage et les textures et même les effets spéciaux par exemple. Il s’agit donc d’un métier très polyvalent, où la maîtrise des compétences techniques vient soutenir la créativité artistique.

Comment se situe-t-il dans le pipeline de production d’un jeu vidéo ou d’un film ? 

Nous intervenons dès la pré-production, et nous devons très tôt définir les identités visuelles des personnages, environnements, props, créatures, véhicules… Un grand nombre de propositions et itérations doivent être réalisées avant de valider les designs que vous verrez à l’écran. Dans le cas du jeu vidéo, les concepts validés sont ensuite confiés à d’autres artistes qui les adapteront pour le jeu. Cela peut se faire par la modélisation 3D, l’illustration 2D, le pixel art etc.

Dans le cas de Hearthstone du studio Blizzard, les concept artists ont pour rôle d’alimenter les illustrations des cartes présentent au sein de l’œuvre en mettant en scène les personnages et autres éléments désignés. Pour le cinéma, c’est un peu la même chose, sauf que les concepts désignés au préalable prendront vie à travers la modélisation 3D, la création de costumes pour les acteurs, d’accessoires, de sets de tournage aux décors plus ou moins impressionnants, dont une part de leur réalisation est souvent finalisée en post production, mais là je m’égare !

Quels sont les liens avec le directeur artistique par exemple ?

Le directeur artistique transmet les consignes, les feedbacks. Il travaille étroitement avec le chef de projet ou le scénariste… Il possède une vision suffisamment large et précise à la fois pour justifier la manière dont il cadre les concept artists, ainsi qu’une solide expérience. Lorsque j’étais Directeur Artistique sur certaines productions, je devais m’assurer de la pertinence et de la richesse de mes feedbacks. Il faut aussi être ouvert à la suggestion, et ce, dans le but que les concept artists poussent leurs idées au maximum de leur cohérence vis-à-vis de la production.

La maîtrise de la technologie ne prend-elle pas le pas sur l’art du dessin ?

Je me permets de reformuler la question, “Notre industrie est-elle menacée par les Intelligence artificielle générant des images ?”

Étant totalement subjectif, je dirais que la technologie ne cesse de nous surprendre et se développe à grand pas, cependant je ne suis pas inquiet au sujet de l’IA.

J’ai eu la chance de l’expérimenter, et même si j’ai été surpris par l’aspect graphique de certaines propositions, je pense que nous sommes encore très loin de la menace prophétisée par l’opinion publique. La précision est encore assez éloignée de ce que conçoit un être humain. En tant que concept artists, nous sommes sollicités pour répondre à la précision d’un brief. Nous créons des concepts, des designs… Alors, comment bien réaliser cette tâche ? Il faut avant tout faire preuve de compréhension, car un bon design doit être fonctionnel. Lorsque vous désignez quelque chose, il faut le concevoir jusqu’à la fin et pas seulement se contenter d’un “joli” Concept Art. L’équilibre entre l’aspect esthétique et fonctionnel est si subtil que pour le moment je ne sens pas notre industrie en danger.

Quels sont les débouchés professionnels en dehors du jeu vidéo et du cinéma d’animation ?

Les concept artists peuvent être sollicités par bien d’autres industries. A partir du moment où une problématique est établie, il faudra exécuter des solutions de conception. Je pense par exemple au milieu de la conception automobile, certes des connaissances supplémentaires seront nécessaires (ingénierie), là où dans le cinéma/jeu vidéo vos designs doivent juste convaincre un public en renvoyant l’illusion de leur fonctionnement. Le milieu de la musique peut aussi nous solliciter, j’ai par exemple été approché par le Label QLF (PNL) il y a quelques années pour discuter de la conception de visuels promotionnels dans un style totalement inédit pour le milieu du rap. De même que j’ai rencontré des créateurs de mode pendant la fashion week qui voulaient que nous collaborions ensemble. La publicité est aussi un milieu à ne pas négliger.

Pour finir, j’ai aussi eu plusieurs propositions dans le cadre d’intervention en tant que conférencier de notre industrie, ce qui m’attire de plus en plus.Nos compétences sont recherchées par une large industrie, il faut saisir les opportunités !

Combien de Concept Artist interviennent sur un jeu vidéo ? Est-il nécessaire de se spécialiser dans un genre ou un style particulier ?

(Rires) Vous imaginez bien que je ne suis pas en mesure de vous délivrer un chiffre précis, cela varie naturellement en fonction des studios (triple A à indépendant). Vous trouverez des dizaines de concept artists dans les studios tels que Ubisoft, Riot ou Blizzard sans compter les studios d’outsourcing travaillant pour eux et les freelance artists. Dans des cas beaucoup plus modestes tel que le petit studio que j’ai cofondé (Marble Oak), nous sommes moins d’une dizaine de personnes, tout rôle compris (développeur, game designer, 3D artiste etc).

Quel jeu ou quel film vous a donné envie de faire ce métier ?

“Un seul” film et “un seul” jeu… C’est une question horrible (et vous le savez), mais jouons le jeu : le méconnu “Zelda link to the past – 1991” et le coloré “Les Quatre Cents Coups -1959” (parce que Jurassic Park était déjà pris).

Galerie

Guillaume BEAUCHÊNE
Guillaume BEAUCHÊNE

Son conseil

…sur le télétravail : ce métier s’y prête-il ?

Absolument. Lorsque je travaillais sur Watch dog avec Ubisoft San Francisco, j’étais chez moi en France. Il fallait juste s’adapter aux horaires des réunions quotidiennes : elles avaient lieu à 18h (heure française) mais il était 9h sur la côte ouest américaine. L’avantage c’est que notre journée de travail se terminait quand la leur commençait, ce qui était profitable au Directeur Artistique qui pouvait nous fournir un débrief à notre réveil le lendemain. C’est identique avec tous les autres studios avec lesquels je travaille. Et les échanges se font parfois uniquement par mail. C’est de mon point de vue, la plus belle manière de vivre de ce métier : prendre un sac, son matériel (pc portable et tablette) et voyager autour du monde en ne s’inquiétant que de la qualité de la connexion Internet !